Après sa participation à l’anniversaire des 1 an de notre showroom eba Haussmann, nous avons le plaisir d’interviewer à nouveau Simon Texier, professeur d’Histoire de l’art contemporain, avec une appétence particulière pour l’architecture parisienne. Auteur de Paris contemporain (2005) ou encore de Paris, panorama de l’architecture, de l’Antiquité à nos jours (2012), il revient avec nous sur l’évolution du bâtiment parisien et de la place de la cuisine dans l’habitation moderne.
Le bâtiment parisien : des codes bien particuliers inscrits dans le XIXe siècle
Reconnaissable à travers le monde entier, l’immeuble parisien possède ses propres codes. “L’immeuble parisien se définit par une codification progressivement mise en place dans la première moitié du XIXe siècle et qui se précise sous le Second Empire. La division horizontale est l’élément principal : marquée par des corniches puis par les balcons filants des 2e et 5e étages, elle devient la marque de fabrique du paysage parisien, avec les combles en zinc dans lesquels sont abritées les chambres de bonnes”, précise Simon Texier.

De même, la construction en taille de pierre devient la norme à la seconde moitié du XIXe siècle. Une fois de plus, cette caractéristique se distingue de la plupart des autres capitales européennes qui, elles, enduisent l’extérieur des bâtiments, masquant ainsi la construction.
Plus que de simples bâtiments, les immeubles parisiens sont le marqueur d’une époque. “L’architecture parisienne du XIXe siècle exprime l’essor de la bourgeoisie et l’évolution globale de la société. Dans l’immeuble haussmannien cohabitent cependant encore plusieurs catégories de populations, selon les étages, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui.” Ainsi, au XIXe siècle, la bourgeoisie investit les étages du bas, plus accessibles, alors que les ouvriers vivent dans les derniers étages. À cette époque, c’est aussi à travers le mobilier et la décoration que la distinction sociale est la plus visible.

Avec l’avènement du bâti haussmannien, Paris se développe rapidement et très uniformément, ce qui est rarement le cas, créant ce qui, aujourd’hui encore, est le signe distinctif de Paris : des bâtiments caractéristiques que l’on retrouve partout dans la Capitale, peu importe le quartier dans lequel on se trouve.
La place de la cuisine dans le bâtiment du XIXe siècle
Historiquement, c’est avec la découverte du feu et la possibilité de faire cuire les aliments que naissent les prémices de ce que nous appelons maintenant la cuisine. En effet, le feu devient le point de rassemblement des membres de l’habitation. Peu à peu, la cuisine évolue et occupe des places différentes selon les pays, les peuples ou encore les classes sociales.
À Paris, à l’époque haussmannienne, la cuisine est un espace de grande dimension dans les habitations bourgeoises. “Dans l’immeuble haussmannien, la cuisine est située au fond de l’appartement et est accessible directement par l’escalier de service. L’espace est suffisamment grand pour y travailler facilement et y stocker un grand nombre de denrées. Dans certains cas, on distingue l’office de la cuisine à proprement parler : le premier est principalement destiné au stockage, l’autre à la préparation.” Cette pièce fermée, principalement dédiée au personnel, n’était alors pas du tout mise en avant dans l’habitat, en grande partie par crainte des incendies.

D’autre part, hormis dans les logements bourgeois, qui représentent une minorité des habitants de la capitale française, la majorité de la population n’a pas accès à une vraie cuisine. C’est seulement au XXe siècle que la cuisine telle que nous la connaissons va se démocratiser.
L’évolution des cuisines : l’arrivée de la cuisine moderne
“L’éloignement entre la cuisine et la salle à manger est une question que se posent les architectes autour de 1900. Ils tentent de rapprocher ces deux espaces en plaçant parfois la salle à manger côté cour. La cuisine, elle, se rapproche parfois des espaces de vie, près de l’entrée. Dans beaucoup de logements, notamment populaires, la cuisine est une « pièce à vivre », elle symbolise le progrès. La grande mutation sera la transformation de la cuisine en laboratoire, avec ses équipements modernes (réfrigérateur, gazinières, rangements, etc.).”
C’est avec la Révolution industrielle que naissent les premières cuisines équipées. Inventées par une architecte autrichienne il y a moins d’un siècle, les cuisines équipées ont pour but de simplifier les tâches ménagères et d’optimiser l’espace. Au fil des ans, la cuisine n’a cessé d’évoluer, tant en termes de style que de format.
Cuisines contemporaines et préservation du bâti haussmannien
Aujourd’hui, eba travaille principalement dans des espaces de type haussmannien. Ceux-ci se caractérisent par une grande flexibilité, notamment lorsque la cuisine est située au centre de l’habitat, permettant ainsi de créer une véritable pièce de vie à partir de l’existant.
La cuisine devient aujourd’hui le cœur du foyer, plus encore que le salon. “Ce sont donc des espaces dont le potentiel est très important pour les architectes chargés de repenser d’anciens appartements”, explique Simon Texier.

L’enjeu majeur lors de la conception d’une cuisine dans un bâtiment haussmannien réside dans la préservation de l’architecture de l’époque : “Il est difficile de préserver des éléments précis d’une cuisine du XIXe siècle, car tout a changé dans nos modes de vie. Le sol en carrelage peut être un aspect patrimonial intéressant. Au-delà de la mémoire et de l’histoire de nos villes, les immeubles anciens gardent en eux des savoir-faire précieux pour notre époque de transition énergétique. L’immeuble parisien, plus particulièrement, est spatialement modulable, mais présente aussi de grandes qualités sur les plans thermiques et acoustiques. Ses qualités esthétiques sont elles aussi indéniables et l’on n’imagine plus démolir ce qui fait l’esprit de Paris et de ses boulevards.”
Des cuisines qui s’ouvrent organisées autour de l’électroménager
Dans les années 70, de plus en plus de logements s’équipent en électroménager. Encombrants et encore peu optimisés, ces appareils sont dissimulés dans des cuisines fermées, sous le plan de travail, derrière des façades.
Ensuite, dans les années 80-90, les progrès technologiques permettent de mieux maîtriser le bruit, les odeurs et les fumées émanant des différents appareils d’électroménager. Ils deviennent aussi moins encombrants, plus fonctionnels et plus esthétiques. La cuisine s’ouvre alors et devient le centre de convivialité de l’habitat au détriment de la salle à manger.
Aujourd’hui, eba s’évertue à conférer cet esprit convivial aux cuisines tout en respectant l’histoire des bâtiments. “Pour moi, les maîtres mots pour le renouvellement d’une cuisine haussmannienne sont : simplicité et sobriété. La cuisine doit aussi être chaleureuse.
Les cuisines proposées par eba possèdent de fait ces qualités et donnent à l’espace de la pièce une dimension domestique et un confort que l’on recherche désormais en premier lieu. Les matériaux et les couleurs utilisés par eba sont en harmonie avec la palette parisienne”, conclut Simon Texier.